Les Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC) sont aujourd’hui incontournables dans le paysage des entreprises françaises. Bien que le statut de SCIC ait été créé il y a maintenant 15 ans par la loi du 17 juillet 2001, ce n’est que depuis environ 3 ans qu’il connaît un véritable succès. En effet, sur plus de 525 SCIC existantes , pratiquement la moitié ont été crée ces dernières années.
Le statut de SCIC permet d’associer autour du même projet des acteurs multiples : salariés, bénévoles, usagers, collectivités publiques, entreprises, associations, particuliers, etc. Autrement dit tous types de bénéficiaires et de personnes intéressées à titres divers et réunies autour d’un projet commun. Une SCIC a vocation à produire des biens ou services qui répondent aux besoins collectifs d’un territoire grâce à la mobilisation d’un vaste éco-système d’acteurs. Elle s’inscrit donc dans une logique de développement local soutenable et favorise l’action de proximité. De plus, elle présente un intérêt collectif et un caractère d’utilité sociale garantit par sa vocation intrinsèque d’organiser, entre acteurs de tous horizons, une pratique de dialogue, de débat démocratique, de prise de décision collective et par sa vocation d’organisme à lucrativité limitée.
Le regain d’intérêt manifeste pour ce statut semble exprimer un contexte d’urgence sociale et démocratique. Sur fond de « pensée globale et d’action locale », il ré-affirme la nécessité d’envisager de nouveaux modes d’organisation collectifs plus inscrits dans les territoires et la nécessité de participer à la construction d’un autre modèle qui recrée de l’intérêt et du bien collectif. Il repense les formes de richesses et leur répartition et cherche à replacer l’économie à sa juste place. Autrement dit ce statut semble répondre à plusieurs tendances qui traversent aujourd’hui la société : une démarche entrepreneuriale animée par une éthique et des valeurs fortes dont la finalité n’est pas le profit mais bien une mutation de notre société actuelle et l’aspiration de tout un pan de la population à agir sur des questions d’ordre sociétales.
Si le statut ne fait pas vertu (et loin de là), il n’en reste pas moins que cette forme de société formalise la volonté de ses parties prenantes de s’engager sur la voie d’autres modes d’organisation, et de replacer l’économie au service de l’humain. En effet il semblerait que les spécificité juridiques de la SCIC (multi-sociétariat, place du bénévolat, affirmation statutaire de l’intérêt collectif et de l’utilité sociale, etc.) qui positionnent le statut comme un chaînon intermédiaire entre l’association et la coopérative inciteraient naturellement ceux qui entreprennent « autrement » à le choisir.
Genèse de la SCIC :
En novembre 1997, lors de son Congrès à Lille, le Mouvement Scop s’est engagé dans une réflexion sur des nouvelles formes de coopératives qui pouvaient offrir un cadre juridique adapté aux évolutions de la société et aux nouvelles manières d’entreprendre.
En 1998, l’Union régionale des Scop Midi-Pyrénées / Languedoc-Roussillon a présenté au Conseil général de l’Hérault un projet d’étude de l’adaptation des coopératives sociales italiennes au contexte français. Le projet a été retenu et a découlé sur une étude-action pour évaluer la faisabilité d’une déclinaison de la loi relative aux coopératives de 1947 qui permettrait le multi-sociétariat (usagers, bénévoles, salariés, autres tiers).
C’est l’article 36 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 qui a institué une nouvelle forme de société coopérative : la société coopérative d’intérêt collectif. L’article 36-1 a été introduit dans la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947. Cet article constitue le titre II ter de la loi.
En 2014, la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (dite « Loi Hamon ») a un impact sur le fonctionnement de toutes les sociétés coopératives et sur certaines dispositions des statuts. Cependant, si la loi ouvre de nouvelles perspectives pour le développement des sociétés coopératives, l’impact sur le contenu des statuts est relativement limité.
Définition de la SCIC
L’ article 19 quinquies (de la loi de 1947) définit la SCIC comme suit :
« Les sociétés coopératives d’intérêt collectif sont des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées ou des sociétés à responsabilité limitée à capital variable régies, sous réserve des dispositions de la présente loi, par le code de commerce.
Elles ont pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présentent un caractère d’utilité sociale. Ces biens et services peuvent notamment être fournis dans le cadre de projets de solidarité internationale et d’aide au développement. »
Les société coopératives d’intérêt collectif sont comme leur nom l’indique sont avant tout des sociétés commerciales classiques. Ainsi peuvent revêtir la forme de SCIC les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée ou encore les sociétés par actions simplifiées. Une SCIC est donc comme toute entreprise commerciale inscrite au Registre du Commerce et des sociétés (RCS) et soumise aux impôts commerciaux. Néanmoins son caractère coopératif lui confère un certain nombre de spécificités propres.
Les caractéristiques des SCIC
Gestion démocratique :
Quel que soit le nombre de parts détenu par un associé, il ne peut disposer que d’une voix aux assemblées générales : autrement dit un Homme = 1 voix. Cette égalité des associés est connue sous l’appellation de principe démocratique.
La SCIC peut respecter ce principe. Elle peut s’en dispenser en organisant ses catégories d’associés en différents collèges qui disposent de droits de vote pondérés lors des assemblées, même si au sein de chacun des collèges le principe « un associé, une voix » est respecté. L’organisation en collèges permet ainsi de maintenir l’équilibre entre les groupes d’associés et la garantie de la gestion démocratique au sein de la coopérative.
Variabilité du capital et parts sociales :
Le capital est constitué de l’ensemble des parts sociales acquises par les sociétaires. Garant de la solidité et de l’indépendance de la société, celui-ci est variable. Autrement dit il n’est pas figé mais mouvant : il peut augmenter ou diminuer au cours de la vie de la société. Cette règle permet ainsi d’apporter de la souplesse dans la libre entrée/sortie des associés de la coopérative sans véritable contrainte.
En ce qui concerne les parts sociales, l’achat et le remboursement des parts n’est pas soumis aux lois du marché. Contrairement aux actions des sociétés classiques, le montant des parts sociales reste fixé à leur valeur initiale inscrite dans les statuts. L’acquisition de parts sociales est donc avant tout un acte de soutien fort dans un projet auquel on croit et n’a pas vocation à enrichir économiquement son propriétaire.
Non lucrativité et impartageabilité des réserves :
À l’occasion de l’affectation du résultat d’une société commerciale de type SARL ou société par actions (SAS et SA notamment), les associés ont l’obligation de doter une partie du bénéfice en réserve légale, à hauteur de 5% du bénéfice réalisé et dans la limite de 10% du montant du capital social.
Dans une SCIC, la mise en réserve des excédents à chaque clôture d’exercice est d’au moins 57,5 % du résultat affecté aux réserves impartageables, ce taux pouvant être porté par chaque AG ou par les statuts à 100 %. Les bénéfices servent donc essentiellement à développer le projet d’entreprise.
D’autre part, quel que soit le montant des capitaux propres d’une société coopérative, notamment de ses réserves, et des plus-values latentes, l’associé n’a droit au moment de son départ qu’au remboursement de son capital.
La révision coopérative :
La coopérative est soumise à une procédure de révision quinquennale pour analyser l’évolution du projet coopératif sur la base, entre autres, des rapports annuels de gestion. Cette procédure permet de vérifier la nature collective de la gouvernance et en particulier le caractère d’intérêt collectif du projet et son utilité sociale. Outre ces spécificités coopératives, la principale originalité de la SCIC réside dans le multi-sociétariat induit par le caractère d’intérêt collectif.
Intérêt collectif et utilité sociale
Bien que différents éléments de définition soient disséminés dans les différents textes de lois relatifs aux SCIC et aux coopératives, ces deux notions restent difficiles à cerner.
Le caractère « d’intérêt collectif » d’une SCIC est apprécié au regard du projet qui est tourné vers l’extérieur, c’est à dire dans un intérêt autre que celui de ses seuls membres : intérêt du territoire, des habitants, des PME locales, etc. alors que dans une coopérative classique, l’activité est exercée prioritairement dans l’intérêt de ses membres. Cette dimension se manifeste essentiellement par le multi-sociétariat et la lucrativité limité.
La notion « d’utilité sociale » est, quant à elle, relative dans le temps et dans l’espace. Autrement dit tout action utile socialement à un endroit ne l’est pas nécessairement dans un autre et toute action socialement utile à un instant T ne l’est pas nécessairement à un autre instant T.
Néanmoins cette notion n’est pas tant attachée à l’activité qu’au processus. La première utilité sociale de la Scic, celle qui la qualifie vraiment, est donc de réunir autour d’un même projet économique des acteurs qui ont des intérêts premiers sensiblement divergents, et qui acceptent d’endosser une part de risque au seul profit de la collectivité. La Scic doit alors structurer la prise de décisions collectives de ces acteurs de façon à être efficace tant sur le plan économique que social.
La notion d’intérêt collectif se retrouve également dans la constitution même de la SCIC dont les conditions sont définies par la loi. Le statut permet d’associer toute personne physique ou morale de droit privé ou de droit public autour du projet commun. Pour se constituer une Scic doit obligatoirement associer 3 catégories d’associés :
- des salariés (ou en leur absence des producteurs agriculteurs, artisans…),
- des bénéficiaires (clients, fournisseurs, bénévoles, collectifs de toute nature, …),
- un troisième type d’associé non nommé par le législateur et donc défini selon les ambitions de l’entreprise.
D’une part, la possibilité d’intégrer des acteurs publics offre l’opportunité d’opérer un décloisonnement du traditionnel public/privé. À ce titre les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent devenir associés et détenir jusqu’à 50 % du capital. D’autre part le multi-sociétariat rejoint une autre caractéristique des Scic : l’hybridation de leurs ressources, puisque celles-ci proviennent autant de leur capital social, de leurs activités que de la participation bénévole possible de leurs membres.
Le statut de SCIC, à l’instar de l’éventail des nouvelles pratiques sociales émergentes : monnaies locales, jardins partagés, fablabs, Tiers lieux, crowdfonding, etc., sont autant de réponses spontanées à l’essoufflement de l’économie classique. « Au sein même du monde productif s’affirment des logiques de coproduction, de coopération, de responsabilité écologique et de symbiose avec la société qui s’éloignent des schémas de rationalité typiques du capitalisme. »
Le manifeste des SCIC
À l’issue de l’Agora des SCIC qui s’est déroulée le 19 novembre 2015, les dirigeants et leurs partenaires présents ont exprimé leur volonté d’adresser leur positionnement à l’ensemble de la société à travers la rédaction d’un texte intitulé « Manifeste des SCIC ». « C’est une profession de foi volontariste qui, au-delà de la défense et l’illustration d’un statut juridique, affiche une volonté de transformation sociale et se pose en contre-modèle : « Parce qu’elles défendent l’ambition d’un autre modèle, parce que celui qui domine est cause de dégradation des conditions humaines, sociales et environnementales, les SCIC ont la préoccupation constante de plus de solidarité, d’innovation et d’efficacité pour que l’organisation de la production soit ajustée aux vrais besoins, pour que les compétences locales soient mobilisées et que les différentes parties prenantes retrouvent en partie la maîtrise de l’économie. »
À travers le statut de SCIC, la possibilité est offerte de se réapproprier la notion même d’entreprise en créant de nouveaux schémas organisationnels, plus collectifs, plus humain dans une logique de co-construction, en redonnant un sens à l’action.
Néanmoins comme nous le disions plus haut le statut ne fait pas vertu et dans quelle qu’entreprise que ce soit, l’enjeu de placer l’économie au service de l’humain doit plus que jamais être réaffirmé et repensé dans le contexte de crise sociale et économique actuel.
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